I- Une larme dans le système lacrymal.


Avant d’étudier les larmes en elles-mêmes, il nous faut d’abord comprendre l’appareil qui les produit et les évacue, et quel est leur trajet. Pour cela, nous nous intéressons premièrement à l’appareil lacrymal*. Ensuite, nous nous penchons plus précisément sur la composition des larmes, puis leur rôle particulier.


1) Le système lacrymal 

L’appareil lacrymal est constitué par l’ensemble des organes qui permettent la sécrétion* et l’excrétion* du liquide lacrymal, c’est-à-dire des larmes et du film lacrymal*.


L'appareil lacrymal sécréteur (qui produit le liquide lacrymal) comporte la glande lacrymale principale qui assure la sécrétion lacrymale réflexe (larmes), provoquée par une vive émotion ou une irritation (vent, lumière trop forte…) et les glandes lacrymales accessoires, situées dans la conjonctive, qui participent à l'élaboration du film lacrymal. Les glandes lacrymales sécrètent larmes et film lacrymal à partir du sang qui les alimente. Le film lacrymal qui tapisse la cornée se compose de trois couches : une première couche sécrétée par les glandes de Meibomius, localisées dans les paupières ; une deuxième couche sécrétée par les glandes lacrymales accessoires ; une troisième couche sécrétée par des glandes de la conjonctive, qui répand uniformément le film lacrymal. 


La Glande lacrymale principale :
C’est une glande en grappe, située sous le rebord orbitaire* supérieur externe. L’aileron du muscle qui relève la paupière la divise en deux portions inégales.
Il y a la portion orbitaire : c’est la portion la plus volumineuse, sa loge est formée par la fossette lacrymale, l’aileron du releveur*, une mince membrane la séparant de la graisse orbitaire et par le septum orbitaire.
Et la portion palpébrale : elle est située sous la portion orbitaire, entre l’aileron du muscle et la conjonctive.
Chaque portion possède des canaux excréteurs qui s’ouvrent dans le fond de la conjonctive. 






Les glandes lacrymales accessoires :
Elle sont microscopiques et de localisation variée, on en distingue 3 types :
• Glandes à sécrétion séreuse (qui sécrète de la sérosité, liquide semblable à la lymphe, contenu dans les séreuses ou constituant certains épanchements) : de structures comparables à la glande lacrymale principale situées dans les culs-de sac conjonctivaux supérieurs et inférieurs. => 2 - 3
• Les glandes à mucus : ce sont les cellules mucineuses (mucine = protéine présente dans le mucus) de l’épithélium conjonctival, prédominant au niveau du cantus interne et le cul-de-sac inférieur, => 4 - 5
• Les glandes de l’appareil cilié : ce sont les glandes sudoripares et sébacées des cils et les glandes de Meibomius. => 6 - 7 - 8



 Sur la paupière inférieure, on distingue clairement les glandes de Meibomius, la conjonctive et l’orifice lacrymal inférieur.


— L'appareil excréteur (qui évacue le liquide lacrymal), est formé par les voies lacrymales qui s’étendent du bord interne des paupières aux fosses nasales ; elles comprennent cinq parties.
Le lac lacrymal, c’est un petit espace triangulaire entre la portion lacrymale des deux paupières, limité en dehors par le repli semi-lunaire.
Les points lacrymaux, ce sont deux petits orifices situés à l’extrémité interne des paupières, et qui sont dirigés vers le globe oculaire, toujours béants, ils plongent dans le lac lacrymal. 
Les canalicules lacrymaux, qui font suite aux points lacrymaux, possèdent deux portions d’abord verticales courtes, puis horizontales plus longues. Les canalicules lacrymaux se réunissent en un canal d’union qui gagne horizontalement le sac lacrymal.
Le sac lacrymal, c’est un réservoir membraneux cylindrique aplati transversalement situé entre l'angle interne de l'œil et la paroi nasale et relié à la cavité nasale par le canal lacrymo-nasal.
Le canal lacrymo-nasal, qui fait suite au sac, se continue dans un canal osseux creusé dans la maxillaire supérieure entre le sinus maxillaire et les fosses nasales. Il est long de 12 à 15 mm et s'ouvre au sommet du méat inférieur des fosses nasales. 



Le trajet des larmes
Les larmes sont secrétées par les glandes lacrymales, se répandent sur la surface antérieure du globe puis vers l'angle interne avant d'être éliminées dans les fosses nasales par les voies lacrymales excrétrices. 

Appareil lacrymal. Les flèches indiquent le trajet des larmes sécrétées par la glande lacrymale. =>
 








<= Diagramme
montrant la circulation des larmes. 






Physiologie* de l’appareil lacrymal
*=(histoire) science étudiant le fonctionnement d'un organe ou d'un organisme vivant.
 
La sécrétion :
La sécrétion lacrymale apparaît chez l’homme vers la fin du 1er mois (c’est pour cela que les nouveau-nés n’ont pas de larmes) ; elle est assez faible, de 1,5 ml par jour. Elle diminue après soixante ans du tiers, elle devient donc de 1 ml par jour, à cause d’une dégénérescence de la glande lacrymale palpébrale.
Certains médicaments ou certaines maladies sont également susceptibles d’assécher la sécrétion lacrymale.

Elle comprend :
- la sécrétion réflexe, sécrétée par la glande lacrymale principale, stimulée par l’éclairement de la rétine, et s’arrêtant dans l’obscurité.
- la sécrétion de base, sécrétée par les glandes lacrymales accessoires, constante et régulière. 

Le débit des larmes peut-être augmenté par :
- pleurer réflexe : toute irritation peut provoquer un larmoiement.
- pleurer psychique : cela apparaît au quatrième mois et peut être provoqué par le rire ou le chagrin. 
 

L’excrétion :
Les larmes, excrétées en continu, sont sous l’influence de plusieurs facteurs passifs, actifs et cellulaires qui se combinent pour assurer leur évacuation de la surface oculaire. 
Dans certains cas de maladies, une diminution de l'excrétion des larmes peut aussi se rencontrer. 

Phénomènes passifs :
Ils ont un rôle minime, on distingue quatre facteurs :
• La gravité, qui intervient peu dans l'excrétion lacrymale ;
• La capillarité, qui est la tendance d’un liquide à remonter vers le sommet d’un tube très fin, plus le rayon du tube est petit plus les forces de  capillarité sont grandes. Cette condition est remplie par le point lacrymal et la portion verticale du canalicule. La capillarité du canalicule est liée à la présence de fibres élastiques qui gardent les canalicules ouverts entre les clignements de paupières.
• L’évaporation du film lacrymal avec une couche lipidique intacte qui, dans les conditions normales, a un taux estimé de 10 à 25 % des larmes produites, s’il n’y avait pas cette couche, le taux d'évaporation serait de 10 à 20 fois plus élevé.
• L’air nasal et les valvules anti-reflux ont un rôle important dans l'excrétion lacrymale. Pendant la respiration, les mouvements de l'air aident à l’aspiration des larmes le long du canal lacrymo-nasal. Les valvules au niveau du méat inférieur empêchent le reflux des sécrétions nasales vers le canal lacrymo-nasal. Une autre valvule anti-reflux est présente entre le sac lacrymal et les canalicules.

Phénomènes actifs :
• Le muscle orbiculaire (qui entoure l'œil, voir ci-contre) se contracte et rythme le passage des larmes au niveau des canalicules et du sac lacrymal. Ceci se fait grâce aux fibres de l’orbiculaire qui entourent les canalicules lacrymaux et le muscle de Horner (chef postérieur du ligament palpébral). C'est la pompe lacrymale. 

Phénomènes cellulaires :
Une partie des larmes est réabsorbée par la muqueuse des voies lacrymales excrétrices et l’épithélium de la conjonctive. 



2) Le liquide lacrymal 

Le liquide lacrymal est défini par les larmes et le film lacrymal.
Le liquide lacrymal est un liquide aqueux et salé produit par les glandes lacrymales, qui filtrent le sang et produisent en plus certaines substances.
Le liquide lacrymal est un liquide physiologique, c’est-à-dire qui est destiné au soin nécessaire pour un organe, ici l’œil.
Il s’écoule à la surface externe de la cornée et de la conjonctive de l’œil et est produit en continu par les glandes lacrymales.
En temps normal, il s’écoule par le canal lacrymal jusqu’aux fosses nasales où il est éliminé dans l’air sous forme de gouttelettes microscopiques pendant la respiration.
Mais dans certains cas, pathologiques (maladies), en réaction à une agression ou émotionnels, la sécrétion lacrymale est trop importante, les voies naturelles sont alors saturées et n’évacuent plus l’excès de sécrétion. Les fosses nasales ne peuvent plus évaporer le surplus de liquide, qui s’écoule du nez et de l’œil sur le visage où il sèche très rapidement. 


Composition :
Les larmes sont composées de 98 % d'eau, H2O, dans laquelle sont dissoutes différentes substances, dont des électrolytes, c’est-à-dire des ions chlorure Na+, sodium Cl- qui forment le sel NaCl (chlorure de sodium) et des ions potassium K+… Il y a aussi du glucose, de l’urée, des protéines comme les lysozymes, lactotransferrines, albumines, globulines… Les lactotransferrines et les lysozymes sont les protéines les plus importantes des larmes. Elles protègent l'œil contre les agressions microbiennes, les lactotransferrines en privant de fer les bactéries, empêchant ainsi leur croissance, et les lysozymes en détruisant leur paroi. Elles contiennent des substances détruisant les micro-organismes qui pullulent sur les muqueuses.
La composition des larmes est proche de celle du liquide céphalorachidien, c’est le liquide contenu dans les espaces délimités par les méninges, et qui est composé d’eau à 99%. 


• Les larmes ont certaines propriétés physiques.
Elles ont un indice de réfraction de 1,33 très proche de celui de la cornée.
Elles ont un pH légèrement alcalin, compris entre 7,3 et 7,8.
Elles ont une pression osmotique, les larmes qui viennent d'être sécrétées sont sensiblement isotoniques au sérum sanguin.
Elles ont une viscosité de 1,26 à 1,32. 

• On a des larmes réflexes (provoquées par des irritations, oignons, un doigt dans l’œil…) et des larmes émotionnelles (provoquées par une forte joie, une déception…).
Les compositions de ces deux sortes de larmes ne sont pas les mêmes.
On a vu plus haut la composition des larmes réflexes, ici la composition des larmes émotionnelles.
Certes, les larmes sont toujours composées en grande partie d’eau et de sel.
Mais les larmes émotionnelles ne comportent pas les mêmes composés chimiques que les larmes réflexes.
Les larmes émotionnelles contiennent des protéines, et des hormones qui sont la prolactine (qui stimule la production de lait chez les femmes) et la leucine encéphalique (qui agit sur la douleur).
Le message nerveux qui provoque les larmes entraîne également la production d’antalgiques naturels. On retrouve également dans ce type de larmes les molécules responsables du stress ou des toxines apparues sous l’effet du stress.
C'est la présence de cette hormone qui expliquerait que les femmes, à partir de leur puberté, pleurent plus que les hommes !




Expérience de conductivité :
La composition des larmes est différente de la composition du sérum physiologique. C’est ce que nous voulons montrer dans l’expérience avec la conductivité. En effet les concentrations en sel, NaCl, sont différentes. 
But de l’expérience :
En se basant sur la concentration du sérum physiologique, établir une courbe d’étalonnage puis mesurer la conductivité des larmes artificielles et des larmes naturelles. 
Protocole :
Concentration de NaCl
dans le sérum physiologique : 0,9%
9g => 1L
C0 = 9g/L
(n = m / M = 9 / (35,5 + 23) = 0,15 mol)
C = 0,15 mol/ L


masse de NaCl à dissoudre dans 100 mL d'eau distillée
solutions étalons
>
m = c x v x M
C1 = 0.02 mol/L
>
m = 0.1 g = 0.02 x 0.1 x (35,5 + 23)
C2 = 0.04 mol/L
>
m = 0.2 g
C3 = 0,05 mol/L
>
m = 0,3 g
C4 = 0,1 mol/L
>
m = 0,58 g
C5 = 0,2 mol/L
>
m = 1,17 g
C6 = 0,3 mol/L
>
m = 1,755 g
C7 = 0,4 mol/L
>
m = 2,34 g
 
Peser les masses de NaCl avec une balance et les mettre dans des fioles jaugées de 100 mL. Compléter avec de l’eau distillée jusqu’au trait de jauge. Mesurer les conductivités avec le conductimètre étalonné.
Mesure de la conductivité des larmes artificielles : σ = 21 mS/cm
Report sur le graphique : C =0,25 mol/L 
Masse de NaCl : m = n x M = C x V x M = 0,25 x 0,1 x (35,5 + 23) = 1,4 g/L
Les larmes naturelles ont environ la même concentration que les larmes artificielles (information reçue en pharmacie). 
Conclusion : Les larmes naturelles ont donc une concentration en sel d’environ 1,4 g par litre. Les larmes naturelles sont plus concentrées que le sérum physiologique qui est concentré à 0,9 g par litre.


Le film lacrymal :
Les larmes se répandent sur la cornée et la conjonctive sous forme d'un film très fin (8 µL devant la cornée), le film lacrymal. Il est renouvelé lors des clignements des paupières, au rythme d'un clignement toutes les dix secondes.
Ce film est plus épais devant le bord palpébral formant ce qu’on appelle le ménisque lacrymal.
La composition de ce liquide varie légèrement en fonction des couches de ce-dernier. 

Il se compose de trois couches :
• A la surface extérieure se trouve une couche superficielle, principalement aqueuse mais riche en corps gras afin d’éviter un assèchement trop rapide par l’évaporation naturelle de l’eau. Elle est secrétée par les glandes de Meibomius (voir schéma des glandes lacrymales accessoires : 6, le schéma sur la constitution de la paupière inférieure, et les photos où on les distingue clairement) situées sur la surface interne de la paupière.
• Puis il y a une couche intermédiaire, aqueuse, provenant des secrétions des glandes lacrymales séreuses. (voir schéma des glandes lacrymales accessoires : 2 et 3) C’est la couche la plus épaisse dans laquelle se trouvent les solutés et les gaz dissous (O2, CO2)
• La dernière couche, la couche interne qui est directement en contact avec la cornée, est la couche profonde. Elle est visqueuse et contient un mucus riche en protéines. Son rôle est de répartir le film uniformément à la surface de la cornée, c’est-à-dire contrôler la répartition régulière des couches superficielle et intermédiaire. Elle est secrétée par les glandes muqueuses et les sécrétions des cellules à mucus de la conjonctive.

 
<= Ci-contre :
Section sagittale au centre du globe oculaire, montrant les paupières, les portions palpébrale, bulbaire et du cul-de-sac de la conjonctive ainsi que la cornée.
Epithélium de la cornée (bleu), épithélium limbique (orangé) et épithélium de la conjonctive bulbaire (violet). 


Œil humain, ci-dessous.
 



L’épithélium est l’ensemble des cellules qui recouvrent la surface externe et les cavités internes de l’organisme (ex : la peau). Ici, ce sont des muqueuses (couche de cellules recouvrant l’intérieur des organes creux).
L'épithélium stratifié squameux est constitué d'une épaisse membrane composée de plusieurs couches de cellules. L'épithélium non kératinisé constitue les muqueuses de plusieurs organes dont la cornée.


3) Le rôle des larmes 
   
Les larmes réflexes.
Les larmes secrétées par la glande lacrymale permettent de garder l'humidité protectrice indispensable à la cornée pour garder sa souplesse et sa transparence. Donc les larmes protègent la cornée et elles protègent aussi la conjonctive.
La cornée est une vitre ronde et transparente, la première des deux lentilles de l’œil. Sa puissance optique représente les deux tiers de la puissance totale de l’œil.
La cornée est privée de vaisseaux sanguins (sinon notre vision serait troublée), elle est donc nourrie par un liquide fluide comme l'eau : l'humeur aqueuse. La cornée contient 78% d'eau et pour maintenir ce degré d'hydrophile, elle est constamment recouverte de larmes alimentées en continu par les glandes lacrymales et répartis par le battement des paupières. La cornée est la principale lentille de l'œil, elle assure environ 80% de la réfraction.
Ce qui montre donc l’importance de la cornée et de la protéger !
L’eau est très importante car toute modification de l'hydratation retentit sur la transparence de la cornée.
Le clignement des paupières, qui étale le film lacrymal sur l'œil, entretient aussi la lubrification des conjonctives.
D’autre part, les larmes permettent également de chasser par écoulement les corps étrangers (comme les poussières) qui ont pénétré dans l ’œil et d’aseptiser (=tuer les microbes) le milieu oculaire en contact avec l’air. 
Pathologie
La sécrétion des larmes diminue la nuit, mais aussi avec l'âge c’est ce qui explique l'augmentation des inflammations telles que les kératoconjonctivites (inflammation de la partie avant de l'œil) chez les personnes âgées, leur quantité est néanmoins modifiée dans certaines circonstances. 

 
Le syndrome des yeux secs
La maladie touche particulièrement les femmes âgées, car avec l’âge, la production des larmes diminue.
Les yeux sont secs soit par un manque de sécrétion lacrymale, atteinte quantitative, ou par une évaporation trop rapide du film lacrymal à cause d’une perturbation dans la composition des larmes, atteinte qualitative.
Cela entraîne un inconfort au niveau de l’œil, et celui-ci n’est également plus protégé des attaques extérieures, des conjonctivites avec rougeurs oculaires peuvent apparaître. Les yeux se fatiguent plus vite et deviennent plus sensibles à la lumière (photophobie).
Cela entraîne aussi des troubles ou des gênes au niveau de la vision, car la cornée n’étant plus correctement oxygénée, elle s’opacifie quand c’est au degré maximum.